L’Entre-deux-guerres – 1919-1938

La Première Guerre mondiale a démontré que la guerre moderne limite indéniablement le rôle des chevaux dans l’artillerie et en général. À la fin de celle-ci, le gouvernement canadien revient sur sa décision et est d’accord pour avoir deux différents types d’artillerie. Le contingent canadien revenant au pays ne rapportera pas ses pièces de 13 lb. Le ministère de la Défense décide de faire de la pièce de 18 lb l’arme régulière de l’après-guerre au Canada pour l’artillerie montée et l’artillerie de campagne.

La philosophie de la « dernière guerre » qui prévaut dans le public après le conflit entraîne l’indifférence politique envers les affaires militaires, créant un climat peu propice aux dépenses de défense. Il est décidé de maintenir un noyau de jeunes officiers, sous-officiers (s/off) et spécialistes, à partir duquel on pourra rapidement recréer une artillerie en cas d’urgence. Ainsi, pendant l’entre-deuxguerres, l’artillerie de la force permanente est réduite et comprend la Brigade du RCHA, une batterie moyenne, des éléments côtiers et deux écoles d’artillerie. La Brigade du RCHA, avec ses batteries A et B, est située à Kingston, tout comme l’est la 3e Batterie moyenne. La batterie C, Brigade du RCHA, est basée à Winnipeg.

Pendant les années 1920, les batteries d’artillerie de la Milice non permanente s’entraînent aux quartiers généraux locaux chaque hiver et passent une semaine au camp d’exercice en été. Les unités sont réduites, mais pleines de zèle, à en juger par l’enthousiasme manifesté par la plupart aux compétitions annuelles organisées par l’Association de l’Artillerie royale canadienne (AARC). Les camps sont dirigés par le RCHA et les écoles d’artillerie, et se déroulent à Petawawa (Ontario), à Shilo (Manitoba) et à Sarcee (Alberta). Toutes les unités et les batteries ayant participé à la guerre commencent rapidement à tenir des rassemblements annuels, où il est devenu une tradition de chanter « Auld Lang Syne » à la fin du dîner officiel en l’honneur de leurs camarades artilleurs disparus.

En 1942, la « Royal Canadian Garrison Artillery » (RCGA) supprime le terme « Garrison » de son nom. En même temps, les compagnies de la RCGA adoptent l’appellation de batteries. Diverses unités de la Milice subissent un changement de nomenclature et les termes CFA et CGA disparaissent des listes de la Milice. Toutes les unités d’artillerie, sauf la Brigade du RCHA, sont désignées ARC le 3 juin 1935.

En 1929, l’inévitable, mais triste jour arrive : l’ARC est informée qu’elle va être mécanisée. Les artilleurs sont devenus très attachés à leurs chevaux. Chaque cheval reçoit un numéro et un nom, le nom commence par la lettre de la batterie du RCHA. Rares sont les spectacles militaires plus émouvants et plus pittoresques que ceux d’une artillerie hippomobile, et la foule vient toujours voir lorsque des batteries défilent dans les rues ou sur les routes. On raconte même que lorsque la batterie B s’est rendue au camp Petawawa pendant l’été 1909, les habitants de Smiths Falls, en entendant qu’elle s’arrêterait aux abords de leur ville, ont acheté et installé 300 pieds de tuyauterie pour abreuver les chevaux.

La première unité à être mécanisée est la 3e Batterie moyenne, ARC. En 1929, elle reçoit quatre tracteurs Leyland à 6 roues pour remorquer ses pièces de 60 lb. Les batteries A et B sont mécanisées en 1930, mais ce n’est qu’en 1937 que la Batterie C se séparera de ses chevaux. En 1931, sept brigades d’artillerie de campagne de la Milice, une brigade moyenne et une batterie moyenne sont ajoutées au tableau des effectifs mécanisés. Cependant, il faudra un certain nombre d’années avant que des transports de troupe motorisés ne soient fournis à ces unités.

Entre 1922 et le début des années 30, lorsque les chevaux sont remplacés, les trois batteries du RCHA présentent le carrousel à de nombreuses manifestations publiques. Les exercices d’adresse très prisés sont basés sur le célèbre carrousel présenté tous les ans par la RHA. Les carrousels visent trois buts. Démonstrations pleines de couleurs frappantes, de mouvements et d’habiletés précises, ils sont conçus pour stimuler et retenir l’attention du public sur l’armée, et l’artillerie en particulier. Ils servent à encourager le recrutement de jeunes gens pour qui les diverses compétences de l’artillerie sont spécialement attrayantes. Par-dessus tout, pour les artilleurs, les carrousels permettent de maîtriser la technique de conduite des attelages de six chevaux et de placer la barre très haut en ce qui concerne le soin apporté aux chevaux et à l’entretien du matériel. En outre, ils suscitent chez les soldats un intérêt spécial en dehors de la routine quotidienne en temps de paix. Partout où le carrousel est présenté, des milliers de spectateurs occupant tous les sièges s’émeuvent à la vue des quatre attelages de six chevaux qui font déraper leurs armes et leurs affûts lourds en faisant le tour de la piste au grand galop. Le dernier carrousel a lieu à Winnipeg en 1933, lorsque le capitaine « Ham » Roberts (qui devient majorgénéral neuf ans plus tard et commande les forces prenant part au raid de Dieppe) effectue la dernière démonstration de la Batterie C.

Suivant les progrès accomplis dans la guerre aérienne, le premier élément antiaérien de la force permanente de l’ARC est formé en 1937 à Kingston. Désigné comme la 4e Batterie d’artillerie antiaérienne, il est équipé de quatre pièces de 3 po 20 quintaux et effectue ses premiers exercices de tir à Point Petre, sur le lac Ontario, pendant l’automne 1938. L’année suivante, il part à l’étranger, comme élément du 2e Régiment d’artillerie antiaérienne légère (AAL).

L’absence de dépenses militaires durant l’entre-deux-guerres aura miné les forces canadiennes. Malgré la montée de la pression internationale depuis 1932, au début de la Deuxième Guerre mondiale, le ministère de la Défense est mal équipé pour le combat. Un rapport du ministre de la Défense en 1935 révèle que les trois armes souffrent d’une pénurie lamentable d’équipement moderne. Le ministre décrit la situation de l’artillerie de la façon suivante : [Traduction libre] « … il n’y a aucun canon antiaérien moderne au Canada. Les stocks de munitions disponibles pour les pièces de campagne représentent en tout quatre-vingt-dix minutes de feux à une cadence de tir normale pour les pièces de campagne héritées de la Grande Guerre… et il n’y a pas de réserves. L’artillerie de campagne existante n’est pas adaptée à une traction mécanique et la portée des pièces modernes dépasse celle de nos canons de 3 000 à 6 000 verges. Les armements de la défense côtière sont désuets et dans bien des cas, défectueux. L’exercice au tir a été réduit afin de prolonger la vie des pièces. À part quelques tracteurs pour les pièces des batteries de la force permanente, aucune disposition n’a été prise pour le transport motorisé aux fins de défense. Le Canada ne possède ni chars, ni véhicules blindés, et aucun tracteur pour l’équipement de l’artillerie lourde et de campagne… »

Il se passera encore trois ans avant que les plans de réarmement soient en place. Malheureusement, durant ce temps, la crise en Europe prend de l’ampleur et il en résulte que les ordres de réarmement venant de l’étranger sont retardés ou annulés. Comme il n’est pas pourvu de sa propre industrie militaire, le Canada doit attendre son tour pour disposer d’équipement moderne.