La Première Guerre mondiale – 1914-1918

Des quelque 44 000 artilleurs enrôlés pendant la Première Guerre mondiale, quelque 38 000 servent à l’étranger. Le reste sert dans des dépôts, des batteries côtières et à titre d’instructeurs dans les écoles d’artillerie. À la fin de la guerre en 1918, le Canada aura fourni cinq artilleries divisionnaires, une brigade de campagne d’armée, une batterie antiaérienne et trois brigades d’artillerie de garnison (incluant deux batteries lourdes). La Brigade du RCHA, d’abord commandée par le lieutenant-colonel Panet, puis par le lieutenant-colonel W.H.P. Elkins, fait partie de la « Canadian Cavalry Brigade » (Brigade de la cavalerie canadienne). Cette brigade sert dans le Corps d’armée canadien et aussi dans l’« Indian and British Cavalry Corps ». Deux batteries de campagne servent dans le Nord de la Russie et une en Sibérie, combattant les bolcheviques jusqu’en 1919, et une compagnie de défense côtière est en garnison sur l’île de Sainte-Lucie dans les Antilles britanniques.

Les principales armes utilisées par les artilleurs canadiens pendant la guerre sont la pièce de 13 lb par le RCHA; la pièce de 18 lb et l’obusier de 4,5 po par l’artillerie de campagne; la pièce de 13 lb montée sur un camion par l’artillerie antiaérienne et les pièces lourdes de 60 lb, de 6 po, de 8 po et de 9,2 po en garnison et par les compagnies d’artillerie lourde et de siège. À la fin de la guerre, chaque artillerie divisionnaire a aussi des batteries de mortier lourd de tranchée qui utilisent des mortiers de 9,45 po et des batteries de mortier moyen de tranchée dotées de mortiers Newton de 6 po.

Les batailles du saillant d’Ypres, de la Somme, de Passchendale, d’Amiens, d’Arras, de Cambrai et de Mons marquent la route des artilleurs canadiens de 1915-1918, mais aucune d’elle n’est plus connue que celle de la crête de Vimy en avril 1917. On peut dire franchement que jusque-là, aucune offensive britannique n’a été planifiée aussi soigneusement que la future attaque menée par le Corps d’armée canadien. L’offensive est décrite ici comme un exemple du combat de l’artillerie durant la Grande Guerre de 1917-18.

L’expérience de la bataille de la Somme aura démontré que les fortes défenses doivent faire l’objet d’attaques d’artillerie minutieusement préparées, bien que cette fois, on n’avait nullement l’intention de démolir toutes les tranchées de l’ennemi. Sauf dans les zones les plus importantes, au lieu de détruire entièrement les réseaux de barbelés allemands, le tir des pièces moyennes jumelé à l’emploi de la nouvelle mèche fusante no 106 avec des obus explosifs ouvrent des brèches dans les barbelés pour l’assaut de l’infanterie. Le bombardement initial sera dirigé directement vers les intersections des tranchées, les nids de mitrailleuses renforcés en béton et les centres de résistance, les entrées de tunnels et les abris souterrains. À l’arrière, les carrefours, les dépôts temporaires de munitions et les voies ferrées secondaires feront l’objet d’une attention particulière. Le tir de harcèlement fait ses preuves à la Somme; il sera maintenant utilisé chaque nuit pour s’assurer qu’aucune troupe de relève ou groupe de transport ennemi n’emprunte impunément une voie d’approche à leurs tranchées.

L’organisation et le développement de l’opération de contre-batterie (CB) sont dus en grande partie aux efforts du lieutenant-colonel (plus tard général) A.G.L. McNaughton qui débusquera et neutralisera plus de canons ennemis que dans toute opération antérieure. Ceci est possible grâce aux techniques améliorées de localisation des batteries de l’ennemi, à la meilleure liaison entre l’artillerie et l’infanterie d’assaut ainsi qu’à une efficacité et une précision de tir accrues des batteries qui ont comme mission de faire taire les canons allemands.

Le commandement de l’artillerie pour l’opération relève du général commandant l’Artillerie royale du Corps canadien, le brigadier E.W.B. « Dinky » Morrison, qui avait reçu la D.S.O. à Leliefontein.

L’artillerie lourde du Corps d’armée canadienne à Vimy comprend dix-huit batteries lourdes, vingt-six batteries moyennes, neuf batteries de pièces de 60 lb, et deux batteries dotées de pièces de 6 po Mark VII, lesquelles forment huit groupes de siège et trois groupes de contre-batterie. Toute l’artillerie lourde est sous le commandement du brigadier R.H. Massie qui exerce ce commandement à l’aide des quatre commandants de groupes doubles en ce qui concerne les groupes de siège et par le lieutenant-colonel A.G.L. McNaughton au contrôle des trois groupes des contre-batteries. L’artillerie lourde au niveau du Corps compte au total cent quatre obusiers de 6 po, trente-six obusiers de 8 po, trente-six obusiers de 9,2 po, quatre obusiers de 12 po, trois obusiers de 15 po, cinquante-quatre canons de 60 lb et huit canons de 6 po.

Les commandants de l’Artillerie royale canadienne (ARC) des quatre divisions canadiennes commandent, en plus de leurs propres artilleries, un certain nombre de formations britanniques d’artillerie pour les opérations. Celles-ci comprennent quatre autres artilleries divisionnaires, sept brigades d’artillerie de campagne de l’armée (c.-à-d. des régiments) et une brigade du RHA. Le nombre total de pièces d’artillerie de campagne à la disposition des quatre divisions s’élève à quatre cent quatre-vingts pièces de 18 lb, vingt pièces de 13 lb (batteries A et B du RCHA avec batteries C et K du RHA), et cent trente-huit obusiers de 4,5 po avec vingt-quatre mortiers de tranchée de 9,45 po.

La directive no 1 de l’artillerie du Corps canadien qui ordonnait la capture de la crête de Vimy, un document de 35 pages venant du quartier général du brigadier Morrison, divise le combat de l’artillerie en quatre phases distinctes. Les deux premières comprennent les bombardements préparatoires. Durant la phase initiale (du 20 mars au 2 avril), il y a une augmentation générale des activités où seulement 50 p. 100 des batteries lourdes et une partie des artilleries divisionnaires sont utilisées. Afin d’aider à cette dissimulation, le réglage et le régimage des batteries lourdes que l’on ne veut pas dévoiler tout de suite doivent se faire sous le couvert de bombardements prédéterminés.

La deuxième phase (jusqu’au jour de l’assaut) voit toute l’artillerie disponible prendre part au combat. Durant cette période, en plus de détruire les barbelés, les tranchées, les centres de résistance et les batteries hostiles, huit villages de la zone et des alentours, que l’on veut prendre d’assaut sont intensément bombardés. Le village de Thelus qui se trouve entre la ligne rouge et la ligne bleue (lignes d’objectifs à la droite de la crête) reçoit un traitement particulier de la part des batteries lourdes d’obusiers et des obusiers britanniques de 12 et 15 po. Cent quatre-vingts obus de 12 po et deux cent soixante-dix obus de 15 po sont employés, ce qui anéantit presque le village. La deuxième phase comprend aussi deux feintes de barrage pour surprendre l’ennemi ainsi que pour exercer les lignes de barrage et découvrir toute erreur de calcul.

La troisième phase est le bombardement à l’appui de l’assaut, lequel comprend des barrages roulants et permanents ainsi que le tir de contre-batterie. Les barrages roulants sont tirés en portances de 100 verges pour permettre à l’infanterie qui progresse de se déplacer vers l’avant sous la protection du tir. Les barrages permanents se concentrent sur certaines tranchées et certains systèmes de défense particuliers. Les batteries silencieuses se trouvent à l’avant, à droite, afin d’appuyer l’attaque contre les cibles éloignées sur la partie plus large de la crête.

La quatrième phase du plan de feux de l’artillerie prévoit le mouvement de batteries de campagne derrière l’infanterie lorsque celle-ci aura capturé ses objectifs, afin d’offrir des tirs défensifs. L’artillerie lourde doit aussi se déplacer vers l’avant pour fournir le tir de contre-batterie, alors que leurs observateurs profitent de l’observation directe maintenant possible à partir du petit sommet de la crête qui surplombe la plaine de Douai.

Au cours de la première phase, plus de 85 000 obus de munitions lourdes et 190 600 obus de munitions de campagne sont tirés. Pendant la deuxième phase (du 2 au 8 avril), période que l’ennemi appelle la semaine de souffrance, un flux incessant d’obus de tous calibres passe au-dessus de la tête des Canadiens dans les tranchées avant. Au matin de l’assaut (9 avril), plus d’un million de coups, d’un poids total de 50 000 tonnes, ont déjà frappé les positions allemandes, les transformant en un désert de cratères. Les feux de contre-batterie – 125 900 coups dans la semaine qui précède le 9 avril – mettent hors d’état 83 % des canons allemands.

Durant l’assaut même, en plus de leurs propres pièces, les artilleurs canadiens utilisent neuf pièces d’artillerie capturées à l’ennemi. L’opération de Vimy reste un exemple classique de la percée délibérée contre des positions solidement préparées et de la capacité des forces d’assaut de consolider et de retenir ce qu’elles ont gagné. Vimy établit une nouvelle norme quant à la préparation de l’artillerie pour résister aux puissantes contre-attaques de l’ennemi une fois que l’infanterie a réussi à capturer ses objectifs.

Une astuce que les artilleurs canadiens utilisent avec efficacité pendant la Deuxième Guerre mondiale a peut-être sa source à Vimy, où elle a servi comme défense contre les mesures de contrebatterie des Allemands. On savait que l’artillerie allemande utilisait la flèche d’un clocher derrière les lignes canadiennes comme point de réglage. La tour est soigneusement démontée par une nuit noire puis reconstruite exactement comme avant, mais sur un nouveau site assez loin pour que tous les tirs qui sont réglés sur cette flèche manquent de plusieurs degrés leurs objectifs.

La victoire de la Première Guerre mondiale a coûté cher. Des 59 544 morts, 2 031 sont des artilleurs. S’y ajoutent 534 artilleurs morts de maladie, de blessure ou d’accident, portant le nombre total de morts pour l’artillerie canadienne à 2 565. Quelque 8 066 autres artilleurs ont été blessés, ce qui fait un total de 10 631 victimes pour le régiment; presque 28 % de l’effectif parti à l’étranger. Seule l’infanterie a subi plus de pertes durant la guerre.

La guerre de 1914-1918 contribuera considérablement à la croissance et à l’efficacité de l’ARC L’étroite collaboration entre l’artillerie et l’infanterie, exigence première de la guerre moderne, n’est mieux reflétée que par les relations fécondes qui lient les artilleurs et les armes qu’ils soutiennent au sein du Corps d’armée canadien. Le commandant du Corps, le lieutenant-général Sir Arthur Currie, luimême artilleur, a cherché en tout temps à exploiter au maximum la puissance de feu afin de sauver la vie des fantassins. Durant les deux dernières années de la guerre, lorsque la grave pénurie de munitions d’artillerie est terminée, les artilleurs canadiens ne se privent pas dans leur consommation de munitions pour fournir un soutien adéquat à l’infanterie d’assaut, leur devise étant de toujours tirer le « dernier obus ».