Le père de l’Artillerie canadienne
Un collègue de French, le lieutenant-colonel Thomas Bland Strange, premier commandant de la Batterie B de l’artillerie de garnison (qui sera plus tard major-général) devient Inspecteur de l’artillerie du Dominion. Strange, connu sous le nom de « Gunner Jingo », est considéré comme le « père de l’artillerie canadienne ». Il joue un rôle important dans la formation de la « Canadian Artillery Association », qui fournit un système d’inspection uniforme. La participation à des compétitions nationales de tir instaurées par l’association s’étend rapidement vers des rencontres à Shoeburyness, en Angleterre, où les équipes d’artillerie canadienne s’avèrent des concurrents de taille pour les prix britanniques très convoités. Non seulement les tournois augmentent-ils l’efficacité, mais ils développent aussi dans les unités autonomes un brillant esprit de corps qui anime encore de nos jours le Régiment royal de l’Artillerie canadienne.
Son autobiographie, Gunner Jingo’s Jubilee, offre une série de tableaux fascinants sur les premières années de l’élément de la force permanente du régiment –
[traduction libre] « Au départ de la dernière légion britannique, la tâche de former la première garde de l’Artillerie canadienne m’est revenue. L’évacuation avait été si rapide qu’il n’y eut que quelques jours entre mon arrivée et l’embarquement de la garnison britannique; très peu de temps pour enrôler, armer, habiller et exercer la première garde de la citadelle. »
L’équipement de la garnison de Québec aurait posé problème sans la manière très directe de Strange. Le gouvernement du Canada avait espéré hériter de tous les matériels de la garnison, mais le gouvernement britannique avait tout vendu, jusqu’aux bois de lit, à des marchands locaux. Strange résout le problème en empêchant ces derniers d’entrer dans la citadelle pour récupérer leurs achats. Les armes, les munitions et les uniformes sont repris par l’Artillerie volontaire de Québec. Strange rétablit rapidement sa garnison grâce à des exercices et des séances d’entraînement. Il tient les artilleurs canadiens en très haute estime, sentiment qu’on lui rend ardemment en retour.
En sa capacité d’Inspecteur du Dominion, Strange visite toutes les unités de l’artillerie, menant des inspections qui, d’après ses nombreux rapports, sont des plus minutieuses. Strange ne limite pas ses observations à l’artillerie, mais il fait aussi des recommandations générales; il recommande même au gouvernement de fonder un collège militaire. Cette dernière recommandation est adoptée et entraîne la création du « Royal Military College of Canada » (RMC). À sa retraite, il déménage dans la province que l’on appelle maintenant l’Alberta et devient un innovateur dans les grandes exploitations de l’élevage de bovins. Il revient servir le Canada durant la rébellion de 1885. En reconnaissance de sa grande contribution aux années de formation de notre régiment, le major-général Strange est nommé le premier colonel commandant peu avant sa mort en 1925.