Le tournant du siècle – l’avant-guerre

La fin d’un long chapitre de l’histoire militaire canadienne est atteinte en 1906 lors du départ définitif des garnisons britanniques d’Halifax et d’Esquimalt. En plus des batteries A et B, il y a cinq compagnies d’artillerie de garnison dans la force permanente canadienne. Celles-ci sont formées en 1905 et 1906 pour remplacer les Britanniques qui quittent les garnisons d’Halifax et d’Esquimalt – les dernières troupes britanniques à partir du Canada. Un bon nombre des artilleurs des batteries britanniques prennent leur congé de l’armée impériale pour servir dans les nouvelles unités canadiennes. En 1905, l’artillerie de la Milice se réorganise, groupant les batteries en dix brigades.

L’un des plus importants progrès accomplis avant la Première Guerre mondiale, du point de vue du Régiment royal, est l’acquisition du grand secteur d’entraînement à Petawawa. La routine bien connue des camps d’instruction d’été en temps de paix pour l’artillerie de la Milice, présidés par les artilleurs réguliers, devient encore une fois une caractéristique de l’instruction de l’artillerie canadienne. Petawawa donne à cette instruction une portée auparavant impossible. Les nouvelles pièces de 13 et 18 lb sont mises en service avec des systèmes de recul et de visée modernes et, comme il a déjà été dit, le tir indirect devient une caractéristique habituelle de l’entraînement.

Même si les artilleurs canadiens ne sont pas très nombreux, l’instruction qu’ils reçoivent pendant l’avant-guerre est essentiellement bonne. L’équipement est moderne, sans aucun doute. La pièce de 18 lb restera en service jusqu’au début de la Deuxième Guerre mondiale. Tactiquement, la dimension des champs de tir de Petawawa permet de pratiquer des manœuvres réalistes. Techniquement, les Canadiens se familiarisent avec les procédures de tir indirect, lesquelles demandent qu’on tienne compte des aspects techniques et météorologiques comme les communications et la télémétrie.

Les changements apportés aux techniques et au matériel après le tournant du siècle proviennent en grande partie des expériences acquises en Afrique du Sud. Avant cette campagne, les canons n’appuient pas habituellement une arme particulière. Lorsque la « Royal Canadian Artillery Field Brigade » est renommée la « Royal Canadian Horse Artillery » (RCHA) en 1905, une pratique britannique est adoptée. Il est décidé qu’à l’avenir, les batteries de la « Horse Artillery » galoperont avec la cavalerie, tandis que les batteries de campagne épauleront l’infanterie qui se déplace beaucoup plus lentement. On commande alors au Royaume-Uni des pièces à obturation par la douille de 13 lb pour le RCHA et de 18 lb pour l’artillerie de campagne de la Milice.

Le terme « tir rapide », employé au début du vingtième siècle, s’applique à une pièce qui tire des munitions encartouchées et qui est dotée en plus d’une certaine forme efficace de contrôle du recul. La munition encartouchée pour canon est utilisée pour la première fois au début des années 1890, après que le sac de soie à bluter qui contient la charge (poudre) est remplacé, pour certaines pièces à obturation par la culasse, par une douille en laiton qui se dilate lorsque mise à feu, enfermant ainsi les gaz dans la culasse. Dans cette innovation, la douille des pièces de petit calibre est fixée au projectile et la « munition encartouchée » qui en résulte accélère l’approvisionnement de manière considérable. Les pièces de 13 et de 18 lb dérivent elles-mêmes de l’assemblage d’une pièce Armstrong en acier fretté (canon et culasse) accouplée à un système de frein de tir Vickers, et de dispositifs de visée et de pointage fabriqués dans les usines de la Manufacture royale d’armements. Avant la guerre, les deux pièces ne tirent que des obus à balles, ce qui s’avère rapidement un grave désavantage.